Le volume des échanges internationaux étant de seize fois supérieur à ce qu’il était en 1950, et la planète se transformant en un "gros village", des discussions relatives à la libéralisation des investissements ont été engagées dans le cadre de l’OCDE.
L’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) est au centre des interrogations. On peut le considérer soit comme "la base pour une économie mondiale unifiée", soit comme une "machine à déstructurer le monde".
I/ La thèse "Pour" : Accepter et appliquer l’AMI :
A/ Les bénéfices généraux tirés de la libéralisation des IDE :
Malgré une dérégulation du commerce mondial consacrée par la fin du GATT et la naissance de l’organisation mondiale du commerce (OMC), les investissements directs à l’étranger restaient encore soumis à réglementation . L’OCDE a cherché à libéraliser totalement les IDE.
Une première thèse énonce que l’IDE favorise la croissance économique et l’emploi : entre 1973 et 1996, les flux d’IDE ont été multipliés par 15, passant de 25 à près de 400 milliards de dollars par an. Les avantages seraient multiples :
1/ Pour le pays d’origine :
L’IDE permet aux entreprises qui investissent à l’étranger de rester compétitives, ce qui soutient l’emploi du pays investisseur. Près de 60% des IDE sont réalisés dans le secteur des services, où une présence locale est indispensable pour être concurrentielle. Enfin, l’IDE créé des flux secondaires et accroît la demande de produits manufacturés. D’après une étude récente de l’OCDE, chaque dollar investi directement à l’étranger procure jusqu’à deux dollars d’exportations supplémentaires. En France, un franc d’IDE est associé à 59 centimes d’exportations et 24 centimes d’importations, soit un excédent de 35 centimes dans la branche concernée.
2/ Pour le pays d’accueil :
L’IDE serait source de capital et d’innovation, améliorerait la concurrence et l’efficience économique. (meilleure qualité, prix inférieurs).
Pour un pays comme le Canada, chaque milliard de dollars canadiens d’investissement au Canada entraîne la création de 45.000 emplois dans les cinq ans.
Concernant les pays les plus pauvres, une étude de l’OMC montre que le faible niveau des échanges et des entrées d’investissements étrangers est le symptôme et non la cause des maux dont ils souffrent.
B/ La logique de l’AMI :
Le principe de base est la non-discrimination :
Les parties de l’AMI s’engagent à accorder aux investisseurs étrangers et à leurs investissements un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu’ils accordent à leurs propres investisseurs ("traitement national").
D’autre part, elles s’engagent à ne pas effectuer de discrimination entre les différents investisseurs de l’accord.("Régime de la nation la plus favorisée").
On peut enfin citer cinq dispositions importantes:
– La transparence.
– Le transfert de fonds doit se faire librement en provenance ou à destination du pays d’accueil.
– La libre entrée et le libre séjour des personnels associés aux opérations.
– Interdiction de certaines obligations de résultat.
– Protection des investisseurs contre toute réglementation locale qu’ils jugeraient néfaste.
II/ Refuser la lettre et l’esprit de l’AMI :
A/ L’AMI, l’ennemi du Nord :
Plusieurs éléments sont contestés :
1/ L’absence d’exception culturelle :
Si le texte n’évolue pas, rien ne peut plus limiter l’invasion de produits culturels étrangers, notamment américains. De plus, les programmes européens d’aide à la création seraient ouverts à la concurrence qui elle, n’aurait pas la même obligation que la France de réinvestir dans la production une partie de leur chiffre d’affaires. Le risque de marginalisation de la culture Française semble exister dans ce texte.
2/ L’absence de prise en compte de l’intégration européenne :
L’Europe souhaite le maintien d’une préférence communautaire dans des domaines aussi sensibles que l’agriculture, la pêche, le transport et l’énergie. Mais si l’AMI remet en cause le principe d’intégration régionale qui fonde notre union, l’Europe peut alors être obligée d’étendre aux autres parties toute nouvelle mesure communautaire de libéralisation. Les politiques européennes d’harmonisation des législations, de la Pac, de l’emploi, s’en trouveraient compromises.
3/ L’absence de contrôle des entreprises multinationales :
L’AMI établit une série de droits qui sont réservés aux investisseurs, et d’obligations pour les Etats, ce qui est spécifique à cet accord. Le projet ajoute une clause stipulant que le pays d’accueil s’interdirait de prendre des "mesures déraisonnables" : cela peut englober des mesure de protection de l’environnement, des politiques de santé, d’éducation, que les investisseurs étrangers pourraient dénoncer comme étant "discriminatoires".
L’absence de contrôle des multinationales a une résonnance particulière sur deux points sensibles : la question du dumping social, et la protection de l’environnement. Le risque est que la recherche des investissements conduise à l’abaissement des normes sociales et des salaires, ainsi que des normes environnementales.
4/ Le problème des lois américaines d’extraterritorialité :
Ces lois visent à sanctionner les compagnies étrangères présentes sur le sol américain, et qui travailleraient pour la Lybie, Cuba ou l’Iran. (Les entreprises françaises Total et Elf ont été sanctionnées par Washington).
B/ L’AMI, ennemi du Sud :
Les pays du Sud critiquent deux éléments principaux de l’AMI :
– L’absence de transparence des travaux préparatoires à l’AMI : L’OCDE, club des pays développés, n’associe pas les pays du Sud aux discussions préalables aux accords.
– L’absence de contrôle des investissements étrangers : dans bien des domaines, les Etats se trouvent aujourd’hui démunis face à la puissance des firmes multinationales. Mais, pour les attirer sur leurs territoires afin d’obtenir des créations d’emplois, ils sont prêts à tout : dumping social, fiscal et environnemental.
La libéralisation des investissements doit donc, comme pour les échanges de marchandises, s’accompagner de nouvelles règles du jeu. Son caractère déstabilisant la fait rejeter par quelques pays, alors que les libéraux y voient une nécessité impérieuse.
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