La mondialisation

Depuis le début des années quatre-vingt, les inégalités de revenus dans les pays les plus développés, (où le marché du travail a été rendu "flexible"), le chômage et la précarité dans les autres pays, ont marqué la croissance des inégalités économiques. L’opinion publique accuse volontiers la compétition à laquelle se livrent les pays à bas salaires. Pour les économistes, le responsable pourrait être un progrès technique "biaisé", caractérisant la "troisième révolution industrielle": la suppression massive de travaux non qualifiés ou la baisse de leur rémunération creuserait les inégalités, alors même que ce progrès technique ‘informationnel" est favorable à la croissance. Mais un phénomène global est à l’origine de toutes les préoccupations concernant la mondialisation : le très rapide accroissement du commerce mondial. Il est le fruit d’une vague de libéralisation : abaissement des barrières commerciales tarifaires et non tarifaires, encouragement des investissements étrangers et dérèglementation du marché des capitaux. L’effet conjugué du retentissant succès des politiques d’ouverture économique dans les pays de l’Asie du sud-est et de l’échec des politiques dirigistes dans le monde en développement ont convaincu les gouvernements de la supériorité de la libéralisation des échanges.

Cependant, la mondialisation suscite de nombreuses inquiétudes : les effets négatifs de cette transformation économique majeure frappent surtout certaines catégories de travailleurs ou des régions particulières. Cette "phase d’ajustement" devrait permettre de venir en aide à ceux que le phénomène pénalise, mais les mesures de compensation annoncées ne sont pas prises, et cela soulève quatre types de craintes :

– 1/ Chômage et disparités de rémunération dans les pays industrialisés :

La structure des échanges fait craindre que l’augmentation des importations en provenance des pays à bas salaires mine l’emploi dans les industries manufacturières : l’érosion de l’emploi dans les industries à forte intensité de travail entraînerait une chute de la demande de travail peu qualifié, et donc une baisse de leurs gains. (voir théorème de Stolper/Samuelson).

L’augmentation des investissements directs à l’étranger (IDE) dans les pays à bas salaires est également source d’inquiétude. La délocalisation revient en effet à "exporter" des emplois peu qualifiés, ce qui entraîne une diminution de la demande de main-d’oeuvre non qualifiée dans les pays industrialisés. La vérification empirique de ces phénomènes confirme la théorie du commerce international : aux Etats-Unis, par exemple, le prix des biens manufacturés à fort contenu de travail non qualifié a augmenté par rapport à celui des biens à fort contenu de travail qualifié. De nombreux facteurs autres que le commerce avec les pays à bas salaires ont joué : l’évolution technologique, l’augmentation du taux d’activité des femmes mariées, la modification du régime et des structures de l’emploi (dérèglementation et recul de la syndicalisation).

– 2/ Chômage et inégalités dans les pays en développement :

La libéralisation de l’activité économique risque de produire, pendant la phase de transition, un fort chômage et une aggravation des inégalités, en raison des carences des institutions financières, incapables de fournir aux entreprises des capitaux suffisants pour profiter de l’intensification des courants d’échange. De même, l’insuffisance des transports et des personnels qualifiés risque d’augmenter le prix à payer durant la phase de transition. Dans des pays où les inégalités sont déjà très fortes et la pauvreté profonde, la libéralisation de l’activité économique pourrait entraîner une accentuation de ces phénomènes. On cite volontiers les pays de l’Asie de l’est (Corée du sud, Hong-Kong, Singapour, Taïwan, puis Indonésie, Malaisie et Thaïlande) pour montrer que la libéralisation devrait au contraire concourir à atténuer ces disparités. Mais récemment, on a pu observer une aggravation des disparités dans ces pays, ainsi qu’en Amérique latine, ou la libéralisation semble avoir surtout été favorable aux travailleurs qualifiés. Mais en l’état actuelle des connaissances, il est difficile de donner une explication à l’augmentation des disparités de rémunération dans une série de pays en développement.

– 3/ Unification des marchés du travail :

L’augmentation des échanges, la progression des investissements à l’étranger, le dévelopement des structures internationales de production placent un nombre croissant de travailleurs dans le champ des relations économiques internationales. Cela augmente les liens d’interdépendance entre les marchés du travail. De 43% en 1970, la fraction de la main d’oeuvre industrielle mondiale employée dans les pays en développement est passée à 53% en 1990. On peut craindre un "monde transformé en un gigantesque bazar, où chaque pays essaie, en concurrence avec les autres, de placer sa main-d’oeuvre en cassant les prix" (Donahue, 1994). Les choses sont aggravées par l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs. Enfin, les rémunérations et le régime du travail souffriront probablement de l’affaiblissement du pouvoir de règlementation de l’Etat.

Cela dit, les entreprises ne sont pas aussi libres qu’on le dit parfois de délocaliser : frais de toutes sortes, problèmes de langue, traditions locales, se bâtir une réputation hors-frontières peut être risqué.

– 4/ Réduction de la liberté d’action des Etats :

La mondialisation réduirait la liberté d’action des Etats et l’efficacité des moyens classiques d’intervention. Les politiques conjoncturelles (budgétaires et monétaires) doivent davantage tenir compte des réactions des marchés internationaux des capitaux. Les économistes cherchent sans relâche les moyens de prévenir ou de réduire les risques de crise financière. On a proposé de freiner les opérations sur les marchés en les assujettissant à une taxe d’application universelle : certains ont évoqué les difficultés d’application administrative et les risques de déstabilisation des machés financiers, et cette taxe n’a pas encore pu voir le jour.

Malgré l’avancement de la mondialisation, les politiques nationales continuent à être influentes sur le niveau de l’emploi et le régime du travail. Mais il est impératif aujourd’hui de corriger les effets négatifs de la mondialisation sur ceux qu’elle pénalise, de protéger les catégories vulnérables sur le marché du travail, et de soulager la pauvreté pour maintenir la cohésion sociale.





Accueil Economie2000
Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *