Théories du marché du travail

Avec la persistance d’un chômage à un niveau élevé, les économistes ont été amenés à rejeter l’hypothèse de parfaite flexibilité des salaires. De nouveaux modèles s’efforcent de rendre compte de la rigidité des salaires réels, ainsi que de son corollaire : un ajustement du marché du travail reposant davantage sur l’emploi que sur les salaires.

On peut différencier les rigidités endogènes du marché du travail (au sens où celles-ci sont liées au comportement même des agents économiques), des rigidités plus exogènes (qui relèvent plutôt de la législation ou de la règlementation : indemnisation du chômage, salaire minimum …).

Nous présenterons ici les rigidités endogènes.

Les rigidités endogènes :
Les nouvelles approches micro-économiques de la relation salariale montrent que le fonctionnement du marché du travail n’est pas nécessairement concurrentiel.

Le salaire d’efficience : Cette approche met l’accent sur le rôle des stratégies d’incitation dans le déroulement du contrat de travail. Elle permet d’expliquer la rigidité des salaires et peut aussi servir de fondement théorique à l’analyse du dualisme du marché du travail. L’hypothèse centrale est que la productivité de chaque salarié dépend de son effort, lequel croît avec le salaire versé. L’entreprise engagera un salarié supplémentaire tant que la productivité marginale reste supérieure au salaire réel par unité efficiente de travail. Le salaire optimum, dit « d’efficience », est alors tel que l’élasticité de l’effort par rapport au salaire est unitaire. Il se peut que le salaire réel optimal soit supérieur au salaire de réservation des chômeurs. Dans ce cas, ces derniers souhaiteraient travailler pour un salaire inférieur, mais les entreprises préfèrent ne pas les embaucher à ce salaire qui diminuerait la productivité des salariés déjà embauchés. Dans cette analyse, tout choc qui modifie la productivité du travail tend à modifier l’emploi sans changer le salaire réel optimal.

Les contrats implicites : L’incertitude portant sur l’environnement incite les agents à conclure des contrats susceptibles de les protéger contre les risques associés aux aléas de la conjoncture. Dans ces modèles, la fixation des salaires s’établit, entre employeurs et salariés, selon des contrats implicites de long terme. Les salariés, qui ont une aversion pour le risque, préfèrent s’assurer auprès des entreprises contre l’incertitude portant sur leurs revenus, par des contrats de long terme qui réduisent la sensibilité des salaires aux fluctuations de la demande. Dans les périodes de conjoncture favorable, les salariés reçoivent une salaire réel inférieur à leur productivité marginale, et inversement. Dès lors que l’aversion des entreprises pour le risque est plus faible que celle des salariés, les entreprises préfèrent ces contrats, car en moyenne, la valeur attribuée par les salariés à l’assurance ainsi fournie par les entreprises permettent à celles-ci de les rémunérer à un salaire plus bas.

Le dualisme du marché du travail : Cette segmentation oppose un secteur primaire, caractérisé par des salaires élevés, une stabilité de l’emploi, des bonnes conditions de travail et des perspectives de carrière, à un secteur secondaire, dans lequel les salaires sont plus faibles, le risque de chômage plus important et les promotions inexistantes. Le dualisme du marché du travail s’est accru à partir du milieu des années soixante-dix. D’une part, le chômage touche davantage les travailleurs les moins qualifiés, et d’autre part, le recours à des formes d’emploi précaire s’est alors fortement développé. Les modèles de marché dual expliquent à la fois le rationnement sur le marché de l’emploi primaire, et la possibilité de chômage pour les autres salariés. Le chômage serait la résultante de l’existence d’une quasi-rente salariale, que les salariés du secteur primaire peuvent s’approprier, soit par l’exercice d’un pouvoir syndical, soit par leur pouvoir « d’insider » dans le cadre de négociations salariales. L’ajustement global ne se fait pas au sein de l’autre secteur dit « secondaire », car la flexibilité du salaire est contrariée par un système d’indemnisations du chômage, une législation de salaire minimal et une rémunération fondée sur un salaire d’éfficience : l’équilibre du marché du travail n’est pas atteint.

Le modèle « insiders-outsiders » : Sans faire référence aux syndicats, cette analyse avance que les « insiders » (salariés du secteur primaire), disposent d’une rente de situation leurs permettant d’obtenir des salaires supérieurs sans que les « outsiders » (secteur secondaire ou chômeurs) puissent leurs faire concurrence. Cette imparfaite substituabilité tient aux coûts fixes liés au travail (coûts d’embauche, de formation et de licenciement). La priorité est alors accordée à ceux qui appartiennent déjà à l’entreprise, et ceux-ci obtiennent des salaires supérieurs à ceux qu’ils obtiendraient sur un marché du travail concurrentiel dans le cadre de contrats individuels.

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