L’analyse de Weber dans la pensée sociologique
a. Weber et la sociologie compréhensive
Comme ses contemporains, Weber assiste au passage à la modernité dans les sociétés occidentales. Cette transformation le conduit à s’interroger sur les processus en cours au sein de ces sociétés. Weber sera un artisan infatiguable de ce que l’on appellera la sociologie compréhensive qui s’appuie sur le choix épistémologique de l’individualisme méthodologique. « La sociologie […] ne peut procéder que des actions d’un, de quelques, ou de nombreux individus séparés. C’est pourquoi elle se doit d’adopter des méthodes strictement individualistes ».
Ce courant de la sociologie s’intéresse au sens que les acteurs ont voulu donné à leurs actions et considère le fonctionnement de nos sociétés comme la somme des comportements individuels dictés par un système de valeurs.
Avec le passage à la modernité, Weber va s’interroger sur l’apparition de nouvelles valeurs religieuses, en particulier sur la naissance du protestantisme et de ses formes dérivées. Ce foisonnement de valeurs religieuses perturbe l’ordre spirituel traditionnel des sociétés occidentales. Weber qualifie ce processus de « désenchantement du monde » car il déstabilise les consciences individuelles et les comportements des citoyens de cette modernité.
b. Le principe de la typologie
Sur le plan méthodologique, Weber utilise le principe de la typologie pour classer et analyser les comportements sociaux et politiques. Il cherche à repérer ce qu’il nommera des types idéaux qui réunissent les caractéristiques essentielles d’un phénomène ou comportement social.
De plus, il envisage une analyse de type probabiliste. Ainsi, un phénomène social peut s’expliquer selon une certaine probabilité par un autre phénomène social, mais ne peut se résumer uniquement comme cause de ce dernier. Le sociologue doit donc adopter une démarche qui vise à repérer les relations de probabilités en s’abstenant de tout jugement de valeur. Le savant se doit de ne présenter que ce qui est vérifiable.
Il va ainsi mettre en évidence que nos sociétés passent d’une organisation fondée sur une légitimité de type traditionnelle à des sociétés où l’autorité s’impose soit par l’influence du charisme des individus qui exercent le pouvoir, soit sur l’exercice de la raison. Cette dernière est étroitement associée à ce que Weber appelle le processus de rationalisation des activités sociales. Il met en évidence que les individus, et donc nos sociétés, peuvent, dans le cadre de cette rationalité, être guidés soit par les fins soit par les valeurs. Le type idéal de la rationalité moderne légale et rationnelle est pour lui la bureaucratie qui lui semble être un système vertueux lié à l’apparition de l’État moderne.
c. Le protestantisme et le capitalisme
Dans cette continuité, son ouvrage L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme montre que l’ethos du protestantisme a pu, dans une certaine mesure, expliquer l’émergence des valeurs du capitalisme. Dans la religion protestante, la réussite professionnelle repose sur la croyance en la prédestination (beruf). Cette tension angoissante pour l’individu conduit au besoin d’une confirmation de cette prédestination. Ainsi, les valeurs d’ascétisme et de travail à la gloire de Dieu liées au protestantisme, favorisent le processus d’épargne et d’accumulation du capital. Le capitalisme n’est pas alors un processus d’exploitation mais bien l’expression d’une rationalité instrumentale qui vise à la recherche du profit de la façon la plus efficace possible.
L’essentiel
Père fondateur de la sociologie compréhensive, Max Weber va mettre en évidence, grâce à une approche méthodologique novatrice, que ce qui caractérise le passage à la modernité repose sur l’avènement de la raison comme moteur de l’action individuelle et collective. Cette transformation serait en partie liée, selon lui, au développement des valeurs du protestantisme qui aurait permis l’émergence du système capitaliste. La bureaucratie constitue pour lui le type idéal de la rationalité et de l’État moderne.
Principaux ouvrages
– L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme (Die protestantische Ethik und der Geist des Kapitalismus, 1904-1905)
– Le Savant et le politique (Politik als Beruf, 1919)
– Économie et société (Wirtschaft und Gesellschaft, 1923)