Faut-il craindre l’inflation ?
La flambée du prix du pétrole, des produits alimentaires
dans une conjoncture secouée par la crise financière
des crédits hypothécaires, fait valser les étiquettes
des produits de consommation courante. Dans un tel contexte, l’inflation
pourrait bien resurgir en 2008. En effet, le taux d’inflation,
pour cette année, se situe autour de 3,6%, niveau jamais
atteint depuis 1991 même si l’on est encore bien loin
des taux dépassant les 10% dans les années 80.
Cette poussée de fièvre inflationniste reste encore
contenue, mais elle pourrait bien vite s’étendre à
l’ensemble des produits. Alors faut-il craindre un retour
de l’inflation ? Et si oui, quels pourraient en être
les risques ?
Il n’y a pas lieu de s’inquiéter tant que la
hausse généralisée et durable des prix n’enclenche
pas les trois rouages suivants.
La hausse actuelle des prix est plutôt liée au rouage
de la demande à l’égard de certains produits.
La poussée des prix du pétrole et des produits alimentaires,
s’explique par un niveau de demande bien supérieur
à l’offre, et provoque selon les mécanismes
du marché un ajustement des prix à la hausse. Ce rouage
ne porte, pour le moment que sur le quart de l’ensemble du
panier de produits pris en compte par l’INSEE pour calculer
l’indice des prix.
Cette fièvre inflationniste reste faible, car les deux autres
rouages de l’inflation ne sont pas activés. Celui de
la quantité de monnaie en circulation semble être bien
contrôlé par la Banque Centrale Européenne grâce
à ses taux d’intérêt élevés.
Quant au troisième, celui de la progression des salaires,
il est au point mort. Il est donc peu probable qu’il amplifie,
par son mécanisme, la fameuse spirale hausse des salaires
- hausse des prix qui provoque l’inflation par les coûts.
Alors pourquoi s’inquiéter d’un retour de l’inflation
?
Il y a pourtant, quelques craintes à avoir. La première
raison est que cette petite fièvre s’est déclenchée
à un mauvais moment. L’état de santé
de notre économie est encore fébrile : une croissance
du PIB qui a du mal à dépasser les 2%, un déficit
du commerce extérieur (proche de 40 milliards d‘euros)
qui s’aggrave de plus en plus, un taux de chômage qui
peine à descendre en dessous de la barre des 8%, un pouvoir
d’achat toujours en berne ,une dette publique qui dépasse
les 64% du PIB et un déficit budgétaire qui a atteint
les 3% du PIB.
Elle arrive en outre au moment où la crise financière
immobilière oblige désormais les banques à
limiter leurs crédits. Ce qui va freiner les investissements
des ménages et donc ralentir l’activité économique
globale.
De plus, elle vient aggraver la dégradation du pouvoir d’achat
des ménages. En effet, le pouvoir d’achat étant
déjà très peu progressif, la moindre hausse
des prix, aussi mesurée soit-elle, amplifie encore plus la
douleur. Les victimes sont les ménages aux revenus moyens,
les fonctionnaires, les retraités dont les pensions sont
revalorisées avec du retard, et les salariés d’entreprises
exposées à la concurrence étrangère
ou à une forte élasticité de la demande par
rapport aux prix. Certains ménages sont donc obligés
de réduire leurs dépenses alimentaires pour pouvoir
finir leur fin de mois, d’autres puisent dans leur épargne
pour maintenir leur niveau de vie. C’est une petite fièvre,
certes, qui malheureusement dans ce contexte, accentue davantage
les inégalités sociales et développe un sentiment
réel d’injustice par rapport aux profits records de
certains entrepreneurs.
Mais le risque majeur, c’est que cette situation pourrait
brider le moteur de la consommation qui jusqu’à présent,
est le seul à tirer la croissance.
La crainte de l’inflation renforce la vigilance monétaire
de la Banque Centrale Européenne afin d’éviter
tout dérapage des prix et des anticipations inflationnistes.
Elle continue de maintenir des taux d’intérêt
élevés malgré un euro fort et une récession
économique annoncée.
Ce regain d’inflation exogène empêche toute distribution
supplémentaire de pouvoir d’achat de peur de généraliser
la hausse des prix et d’activer le troisième rouage
de l’inflation. La lutte contre l’inflation redeviendrait
ainsi la priorité économique au détriment de
la croissance déjà fragilisée et de l’emploi
encore bien timide.
Son retour, dans une conjoncture instable, ne ferait-il pas craindre
le risque d’une stagflation ?
Gérard Fonouni
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