Economie2000 |
Robert Jacques TURGOT (France,
1727-1781)
Source : Jean-Marc DANIEL, professeur
à l'ESCP-EAP, in Le Monde du 5 septembre 2000.
Né à Paris le 10 mai 1727, il se passionne pour l'économie
et rencontre Vincent de Gournay , un haut fonctionnaire qui l'introduit
à la Cour et lui fait connaître Vincent de Gournay. En
1761, il devient intendant du Limousin (1761-1774), correspond avec
Denis Hume qui lui conseille de publier ses articles et lui recommande
un de ses amis Adam Smith. En 1770, il publie ses "Réflexions
sur la formation et la distribution de richesses" .
Des physiocrates, Turgot retient l'idée
que la croissance économique repose sur l'agriculture. C'est
de la capacité de la terre à fournir une récolte
supérieure aux semences que naît l'accumulation des richesses.
Aussi l'État doit-il libérer le prix du blé pour
donner aux agriculteurs les ressources nécessaires à l'amélioration
des rendements.
Mais Turgot s'éloigne des physiocrates par son approche de l'épargne.
Pour lui, celle-ci ne se limite pas à la mise de côté
par les paysans d'une partie des récoltes pour constituer les
semences.
Il identifie trois emplois de l'épargne :
- l'acquisition de terre par laquelle l'épargnant cherche un
revenu stable, une rente ;
- le prêt à intérêt qui fournit à l'emprunteur
de la trésorerie et au prêteur également une rente
;
- l'investissement en machine, en pleine expansion dans cette fin du
XVIIIème siècle.
De ce schéma, il tire
trois conclusions:
L'épargne ne doit pas être
confondue avec la thésaurisation et ne doit pas être accusée
de diminuer la demande. Chaque opération d'épargne fournit
un revenu à quelqu'un qui le dépense (AA : Say reprendra
cela plus tard).
L'épargne ayant plusieurs emplois, son impact varie. Seule la
troisième utilisation est porteuse car source de richesses futures
(AA : une esquisse du détour de production). La politique économique
doit donc la favoriser. En particulier, l'État doit cesser d'emprunter
pour absorber une épargne ailleurs mieux employée (AA
: une esquisse de l'effet d'éviction).
Enfin, le taux d'intérêt est un prix établi comme
tous les prix par la confrontation d'une offre et d'une demande, celles
du marché entre prêteurs et emprunteurs parmi lesquels
l'État a un poids considérable. Concrètement, c'est
le niveau du déficit budgétaire qui le détermine.
Il complète cette théorie de l'épargne par ses
idées sur la monnaie. S'il défend la théorie quantitative
de la monnaie, il soutient que le mécanisme de l'échange
impose que la monnaie inspire une confiance totale. À chaque
transaction, le vendeur cède un bien matériel contre de
la monnaie. Il ne le fait que s'il a la conviction que la monnaie qu'il
reçoit conservera durablement sa valeur. Il défend en
conséquence une politique monétaire stricte dont la réalisation
n'est à ses yeux possible que si la monnaie est constituée
de métaux précieux et qu'elle est gérée
par un organisme indépendant échappant aux tentations
de rognage et d'altération des États impécunieux
(AA : c'est la thèse de Robert Lucas et de la nouvelle macroéconomie
classique).
En ce qui concerne la hiérarchie
des prix, il considère qu'elle reflète à long terme
celle des coûts. Mais, à court terme, le prix fondamental,
qui est le prix formé par l'offre, n'est pas celui constaté
lors des échanges qu'il appelle le prix courant car il est corrigé
par les envies des demandeurs. Cette conception des prix ou l'utilité
des biens pour l'acheteur joue un rôle ne lui est pas propre,
mais elle deviendra le fondement du marginalisme et de la théorie
de l'économie de marché un siècle plus tard.
Devenu contrôleur général
des finances (1774), il applique ses idées et entreprend des
réformes économiques, il institue d’abord la liberté
du commerce et de la circulation des grains (1774) à l’instigation
des physiocrates, puis celle du travail (1776) par la suppression des
corporations, des maîtrises et des jurandes. Enfin, il s'attaque
au déficit de l'État. Une mauvaise récolte dont
les effets sont amplifiés par la spéculation provoque,
en 1775, une pénurie de blé ; des émeutes éclatent,
c'est la guerre des farines. Les conservateurs exigent son départ,
il finit par être disgracié en 1776.
Quand il meurt en 1781, la plupart de
ses réformes ont été abandonnées. De son
oeuvre, il reste des idées qui marquent la transition entre la
physiocratie et le libéralisme d'Adam SMITH, que Louis XVI eut
tort de négliger.
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