Après nous le déluge ?

Combien d’années de tempêtes, d’inondations, de sècheresse, de déboisement des forêts, de fonte des glaces, de disparitions d’espèces animales et végétales, faudra-t-il voir défiler sous nos yeux, pour enfin stopper l’asphyxie de notre planète, et demain, celle de toute notre économie ?
Les profits d’aujourd’hui seraient-ils les nuisances de demain et les catastrophes d’après demain ?
Face à un tel risque climatique, depuis longtemps annoncé par la communauté des scientifiques, peut-on encore oser demander à la Terre plus qu’elle puisse nous offrir ? Comment répondre à nos besoins sans compromettre l’avenir de la Planète ? L’égoïsme qui guide notre activité économique est devenu si fort maintenant, qu’il nous conforte dans l’idée que le progrès sera bientôt capable de maîtriser la nature et donc la rareté. Par conséquent pourquoi s’inquiéter ! Où est l’urgence ?
Cette thèse est largement relayée par le monde des entreprises multinationales, par certains économistes et discours politiques. Elle insinue l’idée selon laquelle le développement durable, c’est à dire un développement qui répondrait à nos besoins sans compromettre ceux des générations futures, engendrerait des coûts excessifs dans la mesure où il supposerait une révolution radicale de nos modes de production, de répartition et de consommation. Ce qui paralyserait la croissance mondiale et donc les chances de faire des découvertes permettant de lutter contre la rareté grâce au progrès. Pourtant, beaucoup de pays et d’entreprises sont d’ores et déjà convaincus de la gravité du problème, et n’hésitent plus à s’engager sur la voie de ce développement même si elle provoque une baisse de rentabilité à court terme.
Porter attention uniquement sur le coût de cette transformation, efface la question vitale de l’avenir de notre planète et entretient l’hésitation des Etats à intégrer réellement le développement durable dans leur politique économique et sociale. Et fait perdre le sens de la rareté à l’humanité pour qui l’ « Avoir plus » prime sur l’ « Etre mieux ».
Mais le coût de la prévention est nettement inférieur au coût de l’inaction comme cela a été démontré lors de la conférence mondiale de Bali. Alors pourquoi attendre sans trop réagir et repousser une fois de plus les décisions à plus tard ? Comment peut-on se moquer à tel point de nos enfants ?
L’ampleur de la dégradation de l’environnement est telle que les scientifiques tirent depuis quelques années le signal d’alarme : il y a urgence à sauver la planète.
Or la question n’est plus seulement scientifique, elle est dès à présent politique. Elle nécessite des changements substantiels dans le fonctionnement de notre économie et dans nos modes de vie. Désormais préparer l’avenir des générations futures, implique de passer d’une économie fondée sur l’avoir plus à une économie fondée sur l’être mieux. Autrement dit passer d’une croissance quantitative à une croissance qualitative. C’est là que la volonté politique, en vertu du principe de précaution, devrait tracer et imposer les voies d’une nouvelle forme de croissance économique au service de l’homme ! La France s’y oriente très timidement à travers la mise en place de la taxe carbone, mais la voie tracée sera longue. L’Europe pourrait bien être capable d’amorcer un tel changement au sein de ses pays membres en vertu de sa souveraineté institutionnelle, et ensuite, incitait les USA et la Chine de s’y engager rapidement. A cet égard, un engagement plus ferme des pouvoirs politiques permettrait de minimiser l’influence de certains lobbies davantage soucieux du baromètre de la finance que de l’environnement naturel.
Ne rien faire, c’est accepter la suprématie des lois du marché sur celles de la nature pour laisser disparaître celles de la rareté avec tous les risques que cela comporte. Or dans une économie en récession, la loi de l’économie du court terme l’emporte sur celle du long terme, et diffère les investissements pour une croissance qualitative durable. L’environnement passe plus que jamais au dernier rang des préoccupations des acteurs économiques aveuglés par la cupidité.
Alors sommes nous prêts à ne laisser qu’un monde en péril à nos enfants et petits enfants ? Après nous le déluge, vraiment ?

Gérard Fonouni